Rapport Moreau : où sont les femmes ?

Vendredi 14 juin, Yannick Moreau a remis au Premier ministre un rapport rédigé par la Commission sur l’avenir des retraites, qu’il avait chargée de formuler des préconisations pour réformer le système des retraites. En effet, les projections du Conseil d’Orientation des Retraites font état d’un déficit de 20 milliards d’euros pour atteindre l’équilibre entre recettes et dépenses à l’horizon 2020.

Ce que l’on pouvait redouter se confirme : la plupart des mesures envisagées s’inscrivent dans la lignée des précédentes réformes. Elles ne permettront pas de combler voire d’éradiquer les inégalités femmes-hommes ni de lutter contre la précarité que subissent nombre de retraitées. Elles auront même pour effet de renforcer ces inégalités. Pourtant, la mission confiée à cette commission par la ministre Marisol Touraine comportait l’idée de rendre le système plus juste. À cet effet, il s’agissait entre autres d’examiner « en particulier la situation relative des hommes et des femmes » et de mettre en évidence l’impact de chaque scénario « sur les assurés, en distinguant notamment entre les hommes et les femmes ». Cette préconisation est restée lettre morte. Non seulement le rapport Moreau ne porte quasiment aucune analyse sur l’enjeu des inégalités femmes-hommes, mais il ne propose aucune solution pour pallier ces inégalités au moment de la retraite.

Les principales préconisations de Mme Moreau et des 9 experts qui ont participé à la commission ont été révélées vendredi. Parmi elles, on trouve :

– l’allongement de la durée de cotisation ;

– le rapprochement des modes de calcul de la retraite dans le public et dans le privé, évidemment selon le principe du moins-disant, en tirant les pensions vers le bas ;

– l’augmentation des cotisations d’assurance-vieillesse de 0,1 point par an pendant 4 ans et à parts égales entre employeurs et salariés pour les salaires au dessus du plafond de la Sécurité sociale ;

l’alignement du taux de CSG (contribution sociale généralisée) des actuels retraités sur celui des actifs (passage de 6,6% à 7,5%) ;

– la fiscalisation des majorations de pensions accordées aux ménages ayant eu 3 enfants ou plus ;

– la création d’un compte-temps pour les salariés soumis à la pénibilité.

Sans préjuger des choix politiques qui seront ceux du gouvernement, nous pouvons d’ores et déjà constater que ces propositions ne vont pas dans le sens d’une amélioration de la situation pour les femmes. Ainsi, l’allongement de la durée de cotisation va plus particulièrement pénaliser ces dernières : rappelons qu’en 2008, les femmes retraitées étaient seulement 42 % à avoir validé une carrière complète contre 74 % des hommes. Le calcul du montant de retraite étant basé sur le rapport entre trimestres validés et durée légale, les femmes verront soit leurs pensions diminuer, soit devront travailler plus tard.

De même, la modification du calcul des retraites des agents de la fonction publique comporte des risques accrus pour les montants de retraite de nombreuses femmes, dans la mesure où celles-ci constituent en effet près de 60 % des effectifs de la fonction publique. Elles sont d’ailleurs concentrées dans les catégories C et B et donc majoritaires parmi les plus bas salaires de la fonction publique.

Enfin, s’il est un chapitre dans lequel le mot « femmes » a trouvé sa place dans le rapport Moreau, c’est bien, une fois de plus, celui des avantages familiaux. Si certaines propositions vont dans le sens de nos revendications, comme par exemple la transformation de la majoration de pension pour 3 enfants ou plus de 10 % du montant en majoration forfaitaire afin qu’elle cesse de bénéficier plus aux hommes qu’aux femmes, la modification des avantages familiaux ne peut en aucun cas servir de caution aux autres mesures particulièrement préjudiciables pour les femmes.

Par ailleurs, la question des inégalités femmes-hommes au moment de la retraite est souvent balayée par certains d’un revers de la main, au prétexte que la priorité est de faire progresser l’égalité professionnelle plutôt que de se concentrer sur des mécanismes correctifs au moment du départ à la retraite. Or, nous pensons que les deux leviers doivent être actionnés simultanément. Nous refusons que plusieurs générations soient maintenues dans la précarité au motif que les suivantes n’auraient pas les mêmes difficultés. De plus, tant que notre société ne se donne pas les moyens de lutter contre le temps partiel, subi, contre le déficit de places en crèches ou encore de veiller à une meilleure répartition des tâches domestiques et parentales entre hommes et femmes, les inégalités à la retraite seront encore le lot commun de millions de retraitées.

Le rapport Moreau propose donc de se diriger vers une baisse généralisée des pensions. Une vigilance accrue est de mise pour s’assurer que les choix politiques qui seront faits privilégieront d’autres pistes de financement, comme celles que proposait en 2010 le parti socialiste, aujourd’hui aux affaires : la taxation des revenus du capital, des bonus, des stocks-options, des plus-values, et la taxation des banques. Il est encore temps, comme nous l’affirmons dans notre appel, de se saisir de la nécessité d’une réforme pour réduire les inégalités dans le système de retraites.