Témoignages

La réalité des femmes à la retraite ne résume pas à des statistiques. Nous avons considéré qu’il était important de recueillir des témoignages qui rendent compte de la singularité du parcours, du quotidien et de la situation matérielle et morale de chacune.

Les témoignages que vous pouvez lire ci-dessous ont été recueillis sur la base du volontariat puis anonymisés.

Marie, 52 ans, attachée culturelle dans une collectivité territoriale de Haute-Savoie

Je suis fonctionnaire de catégorie A et je touche 2400 € nets par mois. Comme j’ai fait de longues études, je n’ai commencé à travailler qu’à 28 ans. Je n’ai pas fait mes calculs pour la retraite. Je ne me suis même pas renseignée parce que ça me fait peur. Je vis seule avec ma fille de 14 ans et, après un combat acharné, je perçois une pension alimentaire de 200 € par mois, Mais son père ne la prend jamais, ni les week-end, ni en vacances ; il n’assume donc aucune dépense de loisirs pour elle.
La vie est plus chère en Haute-Savoie qu’à Paris : dans la capitale, on peut trouver à s’habiller et à se nourrir pour pas cher alors que tout est hors de prix là où je vis maintenant. Je n’ai plus d’indemnité de vie chère ni de prime de transport alors que j’en percevais quand je travaillais à Paris. Je suis locataire de mon logement parce que je n’ai pas les moyens de devenir propriétaire. Le montant de mon loyer est élevé et ça ne changera pas au moment de la retraite. Quand on n’est pas propriétaire, ça grève le budget et ça crée de la précarité.
Je me demande comment je vais faire. Est-ce que je vais pouvoir financer les études de ma fille ? Elle devra probablement travailler. Même si je suis cadre et que j’ai la sécurité de l’emploi, dans l’ensemble ma situation n’est pas stable et je redoute le moment où je partirai à la retraite.

Renée, 54 ans, ancienne exploitante agricole en Auvergne, aujourd’hui en recherche d’emploi

J’ai commencé à travailler en 1980, dans l’exploitation agricole de mon mari. J’avais 20 ans. Ce n’est qu’en 1992 que j’ai commencé à cotiser, quand je suis devenue cheffe d’exploitation au même titre que lui. On travaillait tous les jours, on ne prenait jamais de vacances, on arrivait tout juste à se dégager un salaire de 700 € par mois pour deux : on a galéré. Si je pars à la retraite à 62 ans, je toucherai une pension de 233 € par mois et de 303 € si je pars à 67 ans.
Ma mère est dans la même situation. Elle touche une retraite de 183 € par mois alors qu’elle a travaillé toute sa vie, mais elle n’a pas cotisé assez d’années parce qu’elle ne savait pas. L’exploitation était au nom de sa propre mère et pendant longtemps, elles n’ont pas pensé à la faire cotiser en son nom.
Aujourd’hui, je divorce d’avec mon mari et je vais donc arrêter de travailler sur l’exploitation. Je veux trouver du travail dans le monde salarié mais à 54 ans, ça ne va pas être facile. Je n’ai pas droit au chômage parce que j’étais cheffe d’exploitation mais j’ai fait une demande de RSA. Il faut que je trouve un autre logement aussi. Ce métier me plaisait, c’est une vocation donc je ne regrette pas. Mais si j’avais su pour les cotisations, j’aurais fait différemment. Je n’y ai pas pensé, j’étais jeune… Et puis, on savait qu’on ne gagnerait pas beaucoup d’argent ; ce métier, on ne le fait pas pour ça. Je n’ai pas vraiment peur pour ma retraite parce que je n’ai jamais eu peur et jamais eu d’argent non plus. Et puis, je suis propriétaire de la moitié de la maison : même si je dois partir à cause du divorce, j’aurai quelque chose. N’empêche que c’est affreux dans le monde agricole, c’est peut-être pire qu’ailleurs.

Juliette, 60 ans, employée dans une librairie

J’ai 60 ans et je travaille actuellement à temps plein dans une librairie indépendante, au service « collectivités ». J’y ai fait toute ma carrière. J’aurais dû prendre ma retraite au mois de septembre 2013 mais comme il a fallu que je m’arrête pendant une année pour des problèmes de santé, il me manque 4 trimestres. De plus, je vis seule avec ma fille de 23 ans qui est étudiante et toujours à ma charge. Son père est parti au Laos depuis six ans et ne me verse aucune pension alimentaire. J’ai droit à 150 € d’Aide Personnalisée au Logement, pour un loyer de 680 €. Je pense donc continuer à travailler deux ou trois ans afin de cumuler ma retraite et mon salaire, au moins le temps que ma fille termine ses études et quitte le foyer. Je pourrai alors trouver un appartement plus petit et moins cher.
Mon travail me plaît, mais avec l’âge, il devient de plus en plus pénible de porter de lourds cartons de livres. Malheureusement, mon employeur refuse de m’affecter à un autre poste dans la librairie.

Henriette, 83 ans, veuve et retraitée, ancienne femme au foyer

J’ai 83 ans et j’ai arrêté de travailler à la naissance de ma première fille, en juin 1958, alors que j’étais âgée de 28 ans. Deux autres filles sont nées en 1961 et 1964.
J’ai commencé à travailler à 15 ans dans une usine de chargement à Pont-de-Claix (Isère). À 18 ans, j’ai été embauchée dans une usine pharmaceutique où je préparais les commandes pour les pharmaciens. Je gagnais à l’époque 400 francs. J’y suis restée pendant 10 ans, avec une interruption d’une année pour une maladie, une primo-infection.
Je me suis mariée à 27 ans, en 1957. Lorsque notre première fille est née, un an plus tard, mon mari n’a pas voulu que je retourne travailler car il refusait de la confier à une nourrice. Je suis donc restée femme au foyer. Je gardais les enfants du voisinage, de façon ponctuelle et non-déclarée. J’ai pris ma retraite à 65 ans et je touche 268 €. Depuis la mort de mon mari il y a 1 an et demi je touche une pension de réversion de 790 €. J’arrive à subvenir à mes besoins avec cet argent car nous avions acheté l’appartement où je vis toujours. Mais si je devais payer un loyer, ma retraite serait insuffisante compte tenu des dépenses de santé que j’ai.

Jeanine, 70 ans, retraitée, ancienne technicienne de surface à la mairie de Béziers

J’ai commencé à travailler à 24 ans, après la naissance de mon fils Patrick, comme vendeuse dans une boutique de chaussures. Quand ma fille est née, 8 ans plus tard, j’ai arrêté de travailler pendant 2 ans pour m’occuper de mes enfants. J’ai ensuite trouvé un emploi à la mairie de Béziers, en tant que technicienne de surface. Le salaire n’était pas extraordinaire mais j’avais la sécurité de l’emploi. J’ai travaillé pendant 15 ans à temps partiel, ce qui me laissait le temps de m’occuper de mes enfants. C’était un emploi très pénible qui m’a causé beaucoup de problèmes de santé. Je souffrais terriblement du dos et après un long arrêt maladie, je suis partie à la retraite à 60 ans pour inaptitude au travail.

Je ne bénéficie que d’une petite retraite, mais aujourd’hui je m’y retrouve, car mon emploi était trop pénible physiquement. Même avec le salaire de mon mari, nous n’avons jamais eu de gros revenus.. Nous ne pouvons plus sortir aussi souvent qu’avant mais j’ai quand même conservé le plaisir d’aller au cinéma.

Maryse, 69 ans, retraitée, ancienne factrice à La Poste

Je suis fille d’agriculteurs et dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à travailler dans l’exploitation familiale. À 17 ans, j’ai rencontré mon mari, avec qui j’ai eu trois enfants. J’ai alors arrêté de travailler jusqu’à ce que mon aîné ait six ans. Au départ, je travaillais dans l’exploitation de mon mari, mais il était très difficile de dégager des revenus suffisants pour toute la famille. Alors, j’ai trouvé un emploi en tant que factrice à La Poste. À ce moment-là et pendant presque 15 ans, j’ai cumulé mon emploi et le travail dans notre exploitation familiale, avec mon mari. Cette rentrée d’argent supplémentaire nous aidait beaucoup mais j’étais épuisée : c’est difficile d’occuper deux emplois, surtout quand les enfants ne sont pas encore indépendants.
J’ai pris ma retraite à 60 ans, avec une pension de 900 € dont je suis assez satisfaite. Financièrement, on s’en sort assez bien puisque nous cumulons ma pension et les fruits de notre exploitation agricole. J’apprécie vraiment d’être à la retraite, car j’ai enfin du temps pour profiter de la vie.

Raymonde, 62 ans, retraitée

J’ai 62 ans, je vis seule et suis à la retraite depuis 2 ans. Je n’ai jamais été mariée et j’ai élevé seule ma fille que j’ai eue avec mon premier compagnon. J’ai commencé à travailler à l’âge de 16 ans, et je ne me suis jamais arrêtée. J’ai été salariée en usine pendant 28 ans et j’ai tenu des commerces pendant environ 10 ans avec mon second compagnon. Comme je travaillais avec lui, je n’étais pas rémunérée. Quand nous nous sommes séparés, sans que rien ne me revienne au niveau financier, j’ai continué à faire des petits boulots, jusqu’à ma retraite.

Aujourd’hui, j’ai une retraite de 877 € (563 € de la sécurité sociale, le reste de ma complémentaire). Mon loyer est payé pour moitié par l’aide au logement mais mes revenus ne me donnent pas droit à la CMU. Je dois payer une mutuelle de ma poche, laquelle n’offre pas le tiers payant. Avec 877 €, je ne m’en sors pas, même quand tout va bien. Le moindre problème de santé est un cauchemar car je dois faire l’avance des frais. Inutile de penser à réparer ma voiture quand elle tombe en panne, je n’en ai pas les moyens. Pour vivre, il me faudrait 200 € de plus par mois. Je cherche un travail d’appoint pour m’en sortir, mais c’est difficile d’en trouver.
Je suis désespérée de ne pas pouvoir m’en sortir. Je ne touche ma retraite complémentaire que tous les trois mois et elle disparaît presque entièrement en agios. J’ai peur de l’augmentation de mon loyer et du coût de la vie en général. Je suis désespérée de toujours devoir de l’argent, même en me privant. Ma situation est indigne de notre pays : j’ai toujours travaillé, sans rien demander à personne et maintenant je ne peux pas subvenir à mes besoins. Le matin, je n’ai plus envie de me lever et de continuer.

Suzanne, 80 ans, retraitée, bénévole dans une association

J’ai 80 ans, je suis mariée. Mon mari a une retraite d’environ 1800 €.
Issue d’une famille nombreuse, je n’ai pas pu poursuivre des études. Pour l’éducation, la priorité a été donnée aux garçons de ma famille. J’ai souffert toute ma vie du regard des autres, eux qui pensent : « Elle n’a pas fait d’études, son avis ne compte pas ». Pourtant, je suis aussi intelligente qu’eux, je comprends la vie aussi bien qu’eux !
Je n’ai jamais exercé un « vrai » métier. J’ai élevé mes enfants, je me suis occupée de ma famille sans compter ma peine. Longtemps, j’ai milité dans une association de parents d’élèves, pour le bien des enfants et des profs et dans un parti politique. Ce bénévolat a toujours été bien accueilli par les autres dans la mesure où ils en bénéficiaient mais il n’a jamais été valorisé économiquement. Résultat, à la retraite, je touche moins de 300 €. Cela dit, je ne me plains pas car avec la retraite de mon mari, cela nous suffit.

Autour de moi, beaucoup de femmes ont le même parcours. Si elles sont toujours en couple, elles donnent la priorité au bien-être de leur conjoint, quand les revenus du couple le permettent, en renonçant elles-mêmes à consulter le médecin ou à acheter des médicaments, faute d’argent. Seules, elles n’ont pas les moyens de vivre dignement, alors qu’elles ont travaillé toute leur vie pour la communauté ou leur famille, sans être rémunérées. Elles se retrouvent à la charge de leurs enfants, qui n’ont pas forcément les moyens de les aider. Elles ne se soignent pas, parce qu’elles n’en ont pas les moyens. Elles se privent de manger aussi. Elles ne veulent pas demander de l’aide à leurs enfants, par fierté. Pour moi, c’est clair, elles se laissent mourir. Cette situation est indigne d’un pays comme la France.

Brigitte, 52 ans, retraitée de la fonction publique pour invalidité

J’ai 52 ans et je suis retraitée. Il y a 2 ans, j’ai été mise à la retraite pour invalidité, après 16 ans de travail dans la fonction publique.

J’ai travaillé durant 5 ans en tant qu’artisan puis j’ai arrêté pendant 10 ans, pour suivre mon mari. Nous avons eu trois enfants. Par la suite, j’ai divorcé et je n’ai pas demandé de pension de réversion. J’aurais dû demander au moins un rattrapage des versements de retraite. J’ai alors passé les concours de la fonction publique et j’ai réussi celui d’adjoint administratif. Cela correspond à une catégorie C de la fonction publique donc aux plus bas salaires.
Pendant mes années de travail, j’ai fait évoluer mon profil vers un poste de communication. Ce type de fonction n’existe pas pour les catégories C, il faut « monter en grade », mais ma nouvelle position n’a jamais été reconnue. Lorsque j’ai demandé que ce soit pris en compte, étrangement, on m’a enlevé ces tâches pour me remettre au secrétariat…

Avec mes trois enfants qui étaient là tous les jours, sauf un week-end sur deux, et un travail à temps plein, c’était difficile. Je suis tombée malade. Mes employeurs ont lourdement insisté pour que je parte à la retraite avant la fin de mes droits pour longue maladie. J’en avais marre, je suis partie. J’ai préféré garder mes forces pour lutter contre la maladie.
Je suis reconnue comme handicapée à 80% et ma retraite est de 683 € par mois. Heureusement, j’avais eu la bonne idée de prendre une assurance personnelle, en cas de perte de revenu. Celle-ci me coûtait (et me coûte encore) assez cher, mais grâce à cela, j’ai un revenu de 1100 € par mois.

Actuellement, je milite dans un parti politique et je suis conseillère municipale déléguée au handicap et à la lecture publique. Même là, j’ai parfois été confrontée à la discrimination, mais je me bats tous les jours pour que des portes s’ouvrent, en tant que femme mais aussi en tant qu’handicapée. Je ne reçois pas d’aide pour mon engagement, et c’est dommage, car j’en aurais besoin. Je n’ai droit qu’à 105 € pour compenser mon handicap. Inutile de dire que ce n’est pas assez.

Aujourd’hui, je suis mariée, et c’est mon conjoint qui m’aide au quotidien. Ma vie est difficile, mais je suis fière de m’être battue. N’empêche, je trouve injuste que ma pension soit si faible, alors que j’ai aidé mon ex-mari à monter sa société et que j’ai élevé trois enfants qui sont aujourd’hui des atouts pour la société.

Frédérique, 59 ans, administratrice d’un festival de musique classique

J’ai 59 ans, et je suis administratrice d’un festival de musique classique depuis quinze ans.

Lorsque ma première fille est née, en 1978, j’ai pris un emploi à temps partiel, comme intervenante musicale en milieu scolaire. Puis, en 1983, je me suis arrêtée pour m’occuper de mes enfants. C’était mon choix, et j’étais heureuse de le faire ; je pouvais me le permettre, car mon mari avait des revenus suffisants pour deux. Nous avons eu quatre filles. J’ai recommencé à travailler en 1992, à temps partiel, un an après la naissance de notre dernière fille. Mon mari avait crée un bureau d’agent artistique et je travaillais avec lui à plein temps sans être déclarée ce que pourtant je souhaitais.

Après notre séparation en 1995 j’ai connu une période très difficile, sans pension les premiers mois et sans emploi. Sans le soutien de ma famille, je n’aurais pas pu m’en sortir. Au bout de trois mois, j’ai trouvé un poste de secrétaire à temps partiel que j’ai occupé pendant deux ans. C’était un travail peu rémunéré, qui ne correspondait pas à mon niveau de qualification. C’était une survie morale et financière mais je ne souhaiterais revivre cette époque pour rien au monde. Les 14 ans qui ont suivi ont été le parcours du combattant face à une pension alimentaire qui était régulièrement révisée à la baisse.

Aujourd’hui, j’ai un temps partiel à quatre-vingt pour cent, rémunéré 2120 euros. Je suis obligée d’attendre 65 ans pour toucher une retraite à taux plein. Si je m’arrêtais avant l’âge légal, je toucherais moins de 900 euros, complémentaire comprise… De plus, ma fille de 22 ans est étudiante, et toujours à ma charge. Elle ne sera pas indépendante avant au moins deux ans. Si j’attends l’âge légal pour partir, je devrais toucher 1500 euros brut, je prendrai donc ma retraite le plus tard possible. J’aime ce que je fais, donc ça ne me dérange pas trop de continuer, tant que j’ai du travail. Mais je dois vivre avec la peur de perdre mon emploi : dans le milieu artistique, ça n’est jamais très stable.

Michelle, 54 ans, retraitée de la fonction publique territoriale

J’ai pris ma retraite en 2007 après 20 années d’exercice dans le secteur de l’éducation spécialisée. Le montant de ma retraite s’élève à 877 €. Je vis seule avec ma plus jeune fille. Je suis séparée de mon conjoint depuis 1 an. En attendant le jugement de divorce, je touche une pension de secours de 800 € (versée par mon ex-mari). Mes trois enfants touchent directement une pension de leur père.

J’ai commencé à travailler en 1979, à l’âge de 20 ans, en tant que monitrice éducatrice. J’ai été employée tout d’abord par le conseil général du Val-de-Marne. En 1989, j’avais obtenu l’accord du conseil général pour suivre une formation d’éducatrice spécialisée. M’étant retrouvée enceinte à la même époque, j’ai accouché en juillet et je devais commencer la formation en septembre. Mon employeur a pris prétexte de cette maternité pour faire pression sur moi afin que je renonce à cette formation. Conseillée par une militante féministe, j’ai envoyé un courrier en reprenant leurs termes et en montrant qu’il s’agissait d’une discrimination. Le conseil général a cédé mais n’a pas oublié : mon dossier a été « marqué au rouge » à partir de ce moment-là. J’ai suivi la formation mais il m’a fallu attendre 1997 et pour avoir un poste correspondant à ma qualification dans un autre conseil général, celui de l’Essonne. Au moment du départ à la retraite, j’étais encore un agent de catégorie B alors que mes collègues ayant des anciennetés comparables étaient en catégorie A.

L’éducation de mes enfants (actuellement âgés de 24, 21 et 18 ans et tou-te-s étudiant-e-s) reposait sur mes seules épaules. Mon ancien mari avait, en tant qu’ingénieur, des horaires de travail d’une grande amplitude. Il faisait des déplacements à l’étranger et son employeur ne concevait pas que les hommes puissent être aussi des pères ! J’ai donc dû prendre des congés parentaux : 6 mois pour le 2ème enfant, un peu plus d’1 an pour la 3ème.

Lorsque j’ai pris ma retraite, nous étions en région parisienne. J’avais pris depuis 10 ans des responsabilités en bibliothèque associative et c’est dans ce secteur que je voulais trouver un emploi. J’ai donc suivi une formation de base pour y parvenir. Les projets de mon conjoint ont tout remis en cause : nous sommes partis à Toulouse et j’ai tout perdu en déménageant.

Quand j’ai décidé de divorcer, j’ai aussi quitté Toulouse pour quitter mon mari et je vis maintenant dans la banlieue de Nantes. Je me débrouille en faisant des petits travaux : comptabilité, peinture et, au mois d’août, je ferai un remplacement de secrétariat médical. Je suis à Pôle emploi : à 54 ans, je ne peux plus faire d’internat dans l’éducation spécialisée et je postule à toutes les demandes des bibliothèques sans que cela aboutisse. En même temps, cela me fait mal au ventre quand je vois tous ces jeunes autour de moi qui n’ont pas d’emploi et qui sont dans la galère.

Bénédicte, 64 ans, veuve, partira à la retraite en novembre 2014

J’aurai 65 ans en avril 2014, et j’ai l’intention de prendre ma retraite au mois de novembre de la même année.

Ma carrière professionnelle a été très morcelée. J’ai travaillé à temps plein pendant trois ans, jusqu’à la naissance de ma première fille en décembre 1972. Par la suite, j’ai occupé divers emplois pour pouvoir élever mes trois enfants. J’ai travaillé comme assistante maternelle et comme secrétaire appointée pour une association, ce qui m’a permis de valider des trimestres cotisés. J’ai aussi été animatrice de gymnastique pendant une quinzaine d’années, mais mes cotisations étaient peu élevées car je faisais très peu d’heures. J’ai eu la fâcheuse surprise de n’avoir aucun trimestre validé pour cet emploi à temps partiel.

J’ai repris une activité en 2004, après une année de formation grâce à l’AFPA, et depuis je n’ai pas cessé de travailler, d’abord à mi-temps pendant quelques mois, puis à temps plein. Je vais me retrouver à la tête de 110 trimestres environ. L’avenir n’était pas sombre car mon mari avait de bons revenus, y compris lorsqu’il a pris sa retraite. J’envisageais même d’arrêter de travailler vers 62 ans en ne demandant ma retraite qu’à 65 ans. Malheureusement, mon mari est décédé en décembre 2010 et je n’ai plus que la pension de réversion pour compléter mon salaire. De plus, je ne peux pas bénéficier de la demi-part fiscale accordée aux veufs et veuves car ses conditions d’attribution avaient été restreintes peu de temps avant mon veuvage. Tant que je travaille, mes revenus sont largement suffisants, bien que je doive encore assurer l’hébergement de mon fils cadet dont le travail n’est pas encore suffisamment rémunérateur pour qu’il soit autonome.

Je sais qu’il y a plus malheureuse que moi mais je tenais à témoigner pour toutes celles qui ne toucheront en tout et pour tout que les 600 euros que représente ma pension de la Cnav. J’ai la chance d’avoir la pension de réversion de mon mari mais je serai quand même obligée de déménager pour avoir moins de frais fixes et mon fils devra bientôt voler de ses propres ailes.

Jacqueline, 66 ans, aujourd’hui en libéral, entame sa 51ème année d’activité

J’étais cadre de la fonction publique, non titulaire. J’ai un métier, je suis économiste, spécialisée sur les questions d’emploi (Bac +8) et je ne voulais pas passer un concours qui m’aurait fait perdre ma spécialité.

Mais j’ai eu un accident de la vie qui m’a pris 5 ans 1/2 de grave maladie. J’avais un emprunt immobilier qui avait exclu le risque de ma maladie. Je me suis retrouvée à payer 1800 euros par mois plein pot. Première année, salaire complet (je gagnais 3400 euros) : ça allait. Deuxième année : payée à mi-temps, la galère. Troisième année, tiers de salaire… Quatrième année, des clopinettes. Bref, pour vivre, j’ai fait un nouvel emprunt pour me nourrir : 340 euros par mois. J’ai pris ma retraite à 65 ans, j’avais travaillé dès l’âge de 16 ans et fait toutes mes études en travaillant à temps plein. Résultat : 2500 euros de retraite, ce qui est beaucoup pour une femme. Mais qui ne me laisse que 300 euros par mois de reste à vivre, des dettes jusqu’en 2022… J’ai demandé à ma banque – mutualiste-  de me racheter mon emprunt immobilier trop lourd et d’allonger la durée. Impossible, on ne prête plus après 70-75 ans, surtout dans mon état de santé. Cela veut dire que si on vit jusqu’à 80-90 ans, on ne peut plus faire de projets ? L’allongement de la vie est intégré pour nous ponctionner nos retraites, mais pas pour s’adapter à nos besoins ? Je me suis alors adressée à une banque d’affaires, qui elle a été très intéressée par une hypothèque monstrueuse sur ma maison. Et plus je suis malade, plus je l’intéresse, car plus tôt elle rentrera dans ses frais et plus elle peut augmenter son taux…

Ça me fait penser aux malades du SIDA qui, pour survivre, vendaient leur assurance-vie à des financiers spéculant sur leur mort.
J’ai donc dû recréer une activité en libéral. A ma grande surprise, j’ai réussi à trouver du boulot. Je suis handicapée à 70%, je n’en peux plus. J’entame ma 51ème année d’activité. Je craque ! Je suis crevée, je ne supporte plus les déplacements, les réunions, les enquêtes de terrain, etc. Je ne peux plus prendre les transports en commun ; je ne peux pas marcher plus de 100 à 200 m ; je ne supporte plus les voyages en voiture de plus d’une heure. J’ai divisé mon niveau de vie par 3. J’ai supprimé les loisirs, les restaurants, les fringues, les vacances. Mais je ne m’en sors toujours pas.

Non seulement, j’ai gagné beaucoup moins que mes compagnons (moins qualifiés) toute ma vie, mais j’ai un reste à vivre ridicule. Ils ont du temps, de l’argent, sont en bonne santé…
Une des raisons de ma maladie, c’est la fatigue de m’être occupée de ma mère handicapée mentale pendant 32 ans. Gratuitement et ça me donne aucun trimestre !!
Sans compter 14 ans à élever mes enfants toute seule.

Je ressens un profond sentiment d’injustice : non seulement on gagne moins, on sacrifie notre carrière mais après s’être occupé des enfants, on s’occupe des vieux. Et on fait les enfants qui permettent de sauver le régime des retraites !

Je trouve que la société ne nous remercie guère de ce qu’on a fait pour elle !

Moralité : ma vie ne vaut pas grand-chose pour les pouvoirs publics et les banques dites mutualistes, mon travail gratuit de fille et de mère-providence ne vaut pas un clou. Mais ma mort vaut cher pour les spéculateurs capitalistes.

Léopoldine, 59 ans, secrétaire comptable

Je travaille depuis l’âge de 19 ans, J’ai eu 2 enfants mais j’ai continué à travailler. Durant ma carrière, je n’ai que peu de mois de chômage ou de maladie.

Depuis près de 14 ans, j’effectue un travail à temps partiel imposé par mon employeur (80%). Compte tenu des calculs de la CNAV, le montant de ma retraite devrait être de 1 000 euros bruts, retraite complémentaire comprise. Je perçois actuellement un salaire de 1 725 euros nets. Le manque à gagner sera très conséquent : 805 euros nets par mois ! L’avenir m’apparaît très sombre, voire noir. Avec cette baisse de mes revenus, je ne pourrai plus aider financièrement mes enfants qui sont eux même en difficultés financières. De plus, je ne pourrai plus participer à l’économie du pays. Avoir travaillé depuis 1973, avoir cumulé enfants, travail, travaux du foyer et percevoir si peu, c’est une honte. Il est impensable que mes enfants contribuent à mon éventuelle place en maison de retraite compte tenu des prix effrayants pratiqués. Plutôt mourir.

Monique, 59 ans, chômeuse bientôt en fin de droits

J’étais secrétaire comptable dans une petite entreprise du bâtiment, hélas en difficultés comme beaucoup d’autres. Je ne travaillais qu’à temps partiel, faute de mieux… J’ai été licenciée en novembre 2011 et je perçois actuellement 830 € de Pôle emploi pour les mois qui comptent 31 jours. J’ai cherché désespérément du travail, sans succès. Pourtant, mes employeurs ont toujours reconnu mes qualités et j’ai un bon CV.

Fin 2014, j’arriverai en fin de droits.

J’ai donné à mes deux enfants de bonnes situations, je les ai élevés seule, sans aucune reconnaissance spéciale si ce n’est cette 1/2 part en plus sur la déclaration de revenus. Heureusement qu’ils m’aident parfois. Mais malheureusement, je n’ai eu que deux enfants et pas trois. L’avenir me fait peur. Je devrai travailler au moins jusqu’à 62 ans et demi, 67 ans si je veux percevoir ma retraite complète : 1400 € par mois avec les complémentaires. Je veux dire à ce gouvernement : donnez-moi du travail que diable !